Thames – Great Barrier.

Lundi 30 décembre 2013.
Thames – Great Barrier / 101 km.
Bonjour à tous.
J’aimerais commencer cet article en rendant hommage à une jeune femme que je ne connais pas, qui aurait eu 32 ans en février et qui vient de s’éteindre vendredi 27 après avoir mis au monde une petite Tessa le 20 décembre. Elle a en outre fait don de ses organes ce qui a ainsi permis de sauver 2 vies. L’accouchement a été déclenché en urgence car on a décelé trop tardivement chez Myriam un oedème au cerveau incurable et trop avancé. Elle est partie en une semaine parce qu’il y a un mois un neurologue lui a dit sans lui faire passer d’IRM que ses maux de tête provenaient du fait qu’elle était trop stressée !! C’est mon amie Marion qui vient de m’envoyer un mail pour me faire part de son chagrin. Elle l’a soutenue et aidée de toutes ses forces dans ses derniers jours. Je suis de tout coeur en pensée avec son mari et avec Taïna, leur autre fille de 2 ans.
En cette fin d’année je souhaiterais, si vous me le permettez, rappeler combien chaque minute de vie est précieuse. Prenez svp un instant pour y penser durant ces 2 prochains jours et n’oubliez jamais que cela peut s’arrêter du jour au lendemain. C’est peut-être également l’occasion de faire un petit bilan. Prendre conscience du temps qui passe, se concentrer et mettre son énergie au profit de choses utiles, essentielles, agréables et bénéfiques qui permettront d’avancer, de s’améliorer, d’avoir une meilleure vision de sa vie, d’être pleinement heureux. Essayer d’être plus généreux, plus respectueux et plus tolérant avec son prochain. Je ne veux en aucun cas me faire moraliste. Je prends conscience de beaucoup de choses durant ce voyage. Je réalise la futilité de certains faits et je serais tellement heureux de les partager avec vous. La vie est infiniment précieuse. J’ai l’immense chance de pouvoir prendre le temps d’y penser. J’aimerais tant vous offrir ne serait-ce qu’une toute petite partie de ce que je retire de ce voyage et de mes réflexions. Même si cela ne devait aider qu’une seule personne, le résultat serait atteint. Je n’aimerais pas seulement vous montrer des endroits de rêve mais également vous apporter quelque chose de concret pour cette nouvelle année. Ce pourrait être juste une invitation à s’assoir et à réfléchir un moment, par exemple à la chance que nous avons par rapport à une grande majorité qui sont bien plus mal lotis ?!
Je suis parti ce matin de Thames, je me suis préparé calmement, tranquillement, j’ai pris tout mon temps, j’ai préparé ma machine, j’ai décollé, le vent était contraire, je n’avançais pas mais cela m’était bien égal. Je venais de lire le mail de Marion et je me disais que j’étais complètement fou de toujours courir comme je le fais, de tout faire vite depuis tant d’années. Moi aussi j’ai beaucoup à faire pour m’améliorer.
Je commence à longer la côte, c’est extraordinairement beau.

Je vais jusqu’à son extrémité puis je redescends de l’autre côté de cette péninsule de Coromandel jusque vers Whitianga.

C’est encore plus magnifique que les Marlborough Sounds, plus beau que tout ce que j’ai pu voir à ce jour ou est-ce moi qui suis différent et qui vois aujourd’hui les choses d’une autre manière ?!
Je prends ensuite la direction de Great Barrier. Je survole Great Mercury island.

J’appelle la tour. Pas de réponse. Comme souvent il n’y a pas de contrôle, que de l’auto-information. J’ai à nouveau longé la côte ouest avant de redescendre par la côte est. C’est surnaturel tellement c’est beau.
J’arrive en vent arrière main droite pour la 28.

Atterrissage en douceur. 1h30 de vol.
Mon hélice tourne (heureusement !). J’ai le sentiment que je dois la ménager. Rien de brusque, à part pour le décollage, je mets les gaz doucement afin que le pas variable ne s’emballe pas. J’aimerais tellement que ce ne soit rien mais je sais au fond de moi que le problème existe et qu’il va falloir réparer.
J’avais réservé il y a quelques jours déjà une chambre dans un hôtel sur l’île. On m’avait envoyé un mail pour me demander si je souhaitais participer au repas du réveillon. J’avais poliment décliné en me disant que je ne me voyais pas seul face à mon assiette au milieu de dizaines de tables remplies, joyeuses et bruyantes. Je m’imaginais un grand hôtel, beaucoup de monde et de bruit.
A peine posé j’appelle l’hôtel en question. Ils m’avaient gentiment proposé de venir me chercher. Un monsieur d’une soixantaine d’années arrive et m’emmène dans son 4/4. Très gentil, il m’explique l’île, la faune, la vie sur place. Je lui demande depuis combien d’années il travaille dans cet établissement. Il me répond qu’il est le patron, qu’il a acheté le terrain en 2004 puis construit. Je lui demande combien de chambres il a. Et là, le choc. Il me répond 3. J’ai de la peine à le croire. Il ajoute que je suis le seul client ce soir et qu’il y aura juste une autre chambre occupée demain soir pour le réveillon. Il est tout seul avec son épouse à gérer l’établissement. Il possède 14 hectares. Un endroit pour atterrir en hélicoptère surplombe la propriété.

L’affaire est à vendre ! Je suis tombé sans le vouloir au paradis, exactement tout ce que j’adore. Pas un bruit, perdu au milieu de nulle part. Je n’aurais pas pu souhaiter un plus bel endroit pour terminer l’année.